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Entrevue avec Maxime Giroux

Vendredi, 25 janvier 2019

Lancé en première mondiale au TIFF en septembre dernier, La grande noirceur est le long métrage de Maxime Giroux, qui s'éloigne résolument de son précédent film, Félix et Meira. Avec en vedette Martin Dubreuil dans le rôle principal, Romain Duris, Reda Kateb, Sarah Gadon, Cody Fern, Soko, Buddy Duress et Luzer Twersky, le film propose une plongée dans un univers étrange, situé dans les déserts de l'Ouest américain, en pleine Guerre mondiale. C'est du moins ce que semble vouloir nous indiquer le synopsis... mais toutes les interprétations restent possibles. À l'occasion de la sortie en salle de ce film atypique, nous avons rencontré le cinéaste pour qu'il nous en dise plus long sur ce qui a motivé sa création.

Dans un premier temps, j'ai envie de te laisser nous présenter ton film. Si tu devais le résumer en quelques mots, que dirais-tu?

La grande noirceur est un film surprenant parce que bizarrement c’est un film qui parle du Québec, à travers son histoire et son personnage, mais qui présente ces éléments dans un contexte qui est moins habituel pour le cinéma québécois. Ne serait-ce que par le titre, c’est un film très québécois. C’est une histoire finalement très moderne, qui nous rapproche de ce désir du Québec de faire partir de cette économie mondiale, destructrice qu’est le capitalisme sauvage. C’est donc un film qui parle de notre situation. C’est aussi un film surprenant parce qu’il joue avec les genres cinématographiques, ce que l’on voit assez peu ici, mais sans non plus être un film de genre particulier. c’est assez déstabilisant. Je pense que le film offre quelque chose de différent, un voyage agréable pour les yeux, qui nous sort de ce côté gris et morose de l’hiver québécois.

Ton film joue aussi beaucoup avec les impressions qu’il laisse sur le spectateur. Au fond, La grande noirceur, offre au spectateur plusieurs niveaux de lecture...

Oui, en effet, on en discuté très rapidement dans le processus avec Simon Beaulieu et Alexandre Laperrière (les deux coauteurs du film avec Maxime Giroux, NDLR). Le système dans lequel on vit, on en parle beaucoup, on sait pas trop s’il ne fonctionne ou pas, on croit savoir qui le contrôle, mais en fait, on n’en sait rien, ni les gouvernements, ni les corporations. Il y a une ambiguïté sur comment il évolue. Tout comme Philippe, le personnage dans le film, le seul moyen de s’en sortir, c’est de jouer le jeu. Lui-même n’a pas le choix. On se disait qu’on devait garder cette ambivalence là. Même le personnage de Romain Duris porte en lui une part d’inconnu. On ne sait pas trop d’où il vient, ce qu’il fait là, ni ce qu’il veut. Ce que l’on dit c’est que notre système est caricatural, grotesque et absurde et le film colle reste collé à cette réalité là.

Ça a été la plus belle expérience de ma vie, et de loin!

Volontairement même si l’on a l’impression que cela se passe durant la Seconde Guerre mondiale, l’époque reste indéfinie, ce qui renforce l’ambiguïté qui plane...

Tout à fait. On parle d’aujourd’hui finalement. Au début du film, on met le discours de Charles Chaplin dans The Great Dictator. C’est un texte qui date de soixante ans, mais qui est encore très actuel, même si on l’écrirait pas de la même façon aujourd’hui. Ça parle de la tolérance, de l’intolérance, des frontières, de la guerre, du pouvoir… Chaplin en parlait déjà. d’où notre idée de faire un film sur cette époque-là, tout en parlant de toutes les époques. La question au final c’est peut-être que l’être humain a besoin d’être comme ça, violent, avide…

Parle-nous un peu du processus de production. C’est un film qui n’a pas été soumis à la SODEC n’est-ce pas?

Non, on ne voulait pas attendre les délais imposés. C’est un scénario spécial que l’on voulait tourner rapidement. J’avais besoin de faire ce film sans attendre. Nous sentions aussi que la conjoncture politique s’y prêtait, avec l’arrivée de Trump à la présidence des États-Unis. C’est maintenant que ça se passe, pas dans cinq ans... il fallait rester collé à cette actualité-là. Téléfilm Canada a embarqué très rapidement dans le projet, ainsi que le Fonds Harold Greenberg, qui l’a accepté au premier dépôt.

Dis-moi, ton casting incroyable, tu l’as déniché comment?

Bizarrement, lorsqu’on a peu d’argent, les choses avancent vite! Avec Nancy Grant et Sylvain Corbeil, qui ont produit des films qui ont très bien marché en France, les choses ont été grandement facilitées. Reda Kateb a embarqué très vite. Sarah Gadon c’est mon amie, on devait faire un film à Los Angeles ensemble, mais ça n’a pas marché. Donc on s’était dit qu’on allait tourner ensemble un autre projet. Ce sont des gens qui comprennent le cinéma et qui sont sans doute des meilleurs cinéastes que moi. J’étais choyé. Juste la chance d’avoir ces comédiens-là, ces paysages, on se rendait compte de la chance que l’on avait. En tournant le film, je savais que j’étais en train de faire quelque chose de très bizarre. Je ne savais pas si ça allait fonctionner. Et c’est normal. On savait qu’on avait toutes ces thématiques qui s’entrechoquaient. Et c’est la raison pour laquelle c’est mon film qui me satisfait le plus, d’un point de vue formel et esthétique, mais aussi des sujets abordés. C’est le film le plus complexe et le plus achevé de tous ceux ce que j’ai fait.

Entrevue réalisée par Charles-Henri Ramond, à Montréal, le 15 janvier 2019

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