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Sophie Dupuis à Iqaluit

Mercredi, 23 mai 2018

Introduction : JP vit avec son frère Vincent, sa mère Joe et sa copine Mel dans un petit appartement de Verdun. Constamment sur la corde raide, JP tente de conserver un équilibre entre les nombreux besoins de sa famille de qui il se sent responsable, son travail de collecteur qu’il fait avec son frère et ses fonctions dans le petit cartel de drogue de son oncle Dany qu’il considère comme un père.

En guise de dernier "5 questions à" de la saison, nos collègues de la Tournée se sont entretenus avec la réalisatrice Sophie Dupuis, à l’occasion de son passage à Iqaluit où Chien de garde a été présenté aux cinéphiles.

Vos courts métrages se sont souvent intéressés à des dynamiques masculines, voire fraternelles, comment expliqueriez-vous votre exploration constante de ces relations, relation qui se retrouve au cœur de Chien de garde à travers les personnages de JP (Jean-Simon Leduc) et Vincent (Théodore Pellerin) ?

SD : J’ai toujours été fascinée par l’extrême puissance des liens familiaux. Parfois, les relations familiales sont fortes parce qu’il y a une véritable complicité, une admiration et un respect de l’autre. Parfois, c’est plus compliqué. Même si l’amour est grand, les relations peuvent être malsaines et toxiques. Et le lien familial peut créer un sentiment d’obligation. Cela met donc en relation des gens qui se font du mal, qui se nuisent et qui acceptent des comportements qu’ils n’accepteraient pas dans d’autres contextes. Mais… la famille c’est la famille. C’est plus fort que tout. Family First.

De plus, je suis enfant unique. C’est pourquoi l’amour fraternel me fascine autant. J’ai souvent écrit des films de frères et sœurs et je crois que c’est parce que je fantasme ce lien fraternel que je ne connaîtrai jamais.

Le milieu dans lequel vous avez ancré vos personnages est somme toute loin de votre réalité (la pratique des collecteurs d’argent au sein des dealers de drogues à Verdun), est-ce que vous avez effectué des recherches? Comme vous êtes également scénariste de vos films, est-ce que la recherche est partie prenante de votre processus d’écriture ?

SD : Effectivement, le milieu dans lequel évolue la famille de Chien de garde est loin de ce que j’ai connu. D’ailleurs, j’aime préciser que les familles que je dépeins dans mes films sont très loin de ressembler à ma famille. J’ai tout imaginé cela. Ceci dit, je dois évidemment souvent faire de la recherche. Je suis du genre à m’immerger dans les milieux des sujets qui m’intéresse pour pouvoir les dépeindre de façon réaliste. Quand je suis en mode recherche, je suis comme une éponge. N’importe quel détail peut influencer mon écriture. Et je me fais un devoir de m’en tenir à la réalité, aux faits et à la vérité de chaque milieu. Ce qui me met parfois des bâtons dans les roues lorsqu’il est temps de scénariser et que certaines de ces réalités m’empêchent d’écrire aussi efficacement que je le voudrais. Mais je fini toujours par y arriver. Pour ce qui est de faire de la recherche auprès de collecteurs, cela a été un peu plus compliqué. Les collecteurs ne sont pas très bavards ! J’ai donc dû y aller au feeling. Et on m’a dit, d’expérience, que mon intuition avait été bonne. Heureusement !

Quel a été votre processus de casting ?

SD : De toute la direction d’acteur, je crois que le casting est l’élément le plus crucial. Je suis convaincue que le succès d’une direction d’acteur réside dans le choix de celui-ci. Quand je suis en casting, je cherche surtout quelqu’un avec qui travailler. Je cherche une connexion, une compréhension et une discussion. Ensuite, une fois l’acteur choisi, évidemment, je me croise les doigts pour qu’il s’entende bien avec les autres. Et dans le cas d’un film de famille, non seulement il serait préférable qu’il s’entende bien avec les autres, mais en plus, je souhaite qu’on arrive à insuffler un véritable amour dans la relation entre les personnages. Un amour palpable. C’est alors que les répétitions entrent en jeu. Je ne peux pas me préparer à un tournage sans avoir répéter avec mes acteurs. C’est, quant à moi, le deuxième élément le plus important de ma direction d’acteurs. C’est là qu’on explore le texte, qu’on approfondie la compréhension des personnages, qu’on peaufine mais aussi, qu’on développe un véritable amour et une véritable complicité entre les acteurs. C’est là qu’ils deviennent des amis et qu’ils s’attachent. Et c’est ce qui paraît ensuite à l’écran : cette chimie qu’on a créée avant de commencer à tourner.

En en apprenant plus sur votre processus de réalisation, une spectatrice avertie de Iqaluit a prédit que vous alliez initier une nouvelle façon de faire des films au Québec. Une démarche qui inscrit la fiction dans l’émergence du réel (par les répétitions avant tournage qui sont extrêmement rare en cinéma). Est-ce que vous diriez que cette étape est essentielle à votre processus créatif ? Quels sont les principaux enjeux (de production ou de réalisation) que cela implique ?

SD : Je ne pourrais pas tourner sans répétitions. Pour moi, oui c’est essentiel. Cependant, il ne faut pas oublier que cela coûte cher à une production. Et dans le cas de Chien de garde, je demandais cinq semaines de répétitions ! C’est un choix de production que l’on a fait, mon producteur (Etienne Hansez) et moi. Etienne savait comment je travaillais avec mes acteurs puisque nous avions fait précédemment un court métrage ensemble. Il n’a donc pas été difficile de le convaincre. Et nous avons bien vu à quel point cela a été payant en tournage !  Même que les répétitions sont déjà au budget de nos prochaines productions.

Quels sont vos prochains projets après Chien de garde ?

SD : Chien de garde ira prochainement dans des festivals au Brésil, en France et en Belgique. Sinon, je suis en écriture pour mon prochain film. Un film choral qui se passera dans l’univers des mines de l’Abitibi, là d’où je viens. C’est un sujet qui occupe ma tête depuis 8 ans. La fraternité et l’authenticité de ces hommes qui descendent chaque jour sous terre m’a toujours charmées.

 

Photo d'en-tête: crédit François Lemieux

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